11 avril 2007

L'art contemporain de noyer le poisson



La plus grande difficulté de l'art contemporain consiste à comprendre ce que l’artiste a voulu exprimer. Je déconseille d'ailleurs fortement de pratiquer ce genre d'exercice en couple pour ne pas risquer la rupture, car personne ne voit la même chose et surtout personne ne voit ce que l’artiste a voulu exprimer, si c’est le cas. Mais il y a pire que cette quête de sens bien légitime devant une oeuvre qui peut sembler ésotérique : il y a le dossier de presse de l’exposition. Peu avant le vernissage, il parvient aux journalistes pour décrypter la fameuse énigme: "qu'est-ce que l'artiste a voulu dire ?" A priori, ce devrait être un grand soulagement pour le journaliste qui désormais dispose de quelques ressources pour les conversations du vernissage.

Mais ce n'est pas toujours le cas. La preuve : je viens justement de recevoir le dossier de presse de l’exposition « Airs de Paris » qui se tiendra au centre Pompidou du 25 avril au 15 août. Je me suis efforcé de le lire en me disant qu’en apprenant quelques passages par cœur, ça m’aiderait pour le cocktail. Malheureusement, toute ma bonne volonté a été stoppée net par le paragraphe qui suit. C’est tout particulièrement en lisant la partie soulignée que j’ai décidé de ne pas aller à ce vernissage.

Je n'ai toujours pas compris ce que l'artiste a voulu dire !


« Fin 2006, les cendres de l’acteur américain James Doohan (1920-2005), le fameux «Scotty » de la série télévisée Star Trek, sont dispersées dans l’espace par Space Services, Inc., une entreprise spécialisée dans les funérailles spatiales1. L’événement excède la biographie – il déplace l’existence ou l’histoire vers le sens ultime, cosmique. Ce changement de perspective éprouve une fois encore les limites réciproques du discours de réalité et du récit de fiction qui, échappant à la saturation du sens qui guette les simples oppositions binaires, ouvrent à propos des champs interprétatifs d’indifférenciation, de complémentarité, d’interférence, d’interaction, ou encore de concurrence…»

06 avril 2007

La machine... a voté

Difficile ces temps-ci de passer à côté de la polémique sur les machines à voter électroniques qui seront utilisées pour les présidentielles (voir les deux articles de Sciences et Avenir de septembre 2006 et avril 2007 et le site des opposants à ces machines, ordinateurs-de-vote.org). L’essentiel du débat repose sur le fait que le vote sur ces machines est invérifiable, autrement que par la machine elle-même. Si la machine a été correctement piratée, le résultat du vote qu’elle délivrera sera celui que le pirate lui aura indiqué à l’avance. Or, ce piratage est lui aussi, potentiellement invérifiable. Il y a donc une crise de confiance entre ces nouveaux moyens de vote et les électeurs. La crainte : la machine va-t-elle voter pour nous ?

Cette confiance risque d’être difficile à reconquérir. Cette semaine, lors d’une conférence de presse organisée par l’un des trois fabricants de machines à voter agrées en France, le représentant officiel de ce fabricant a déclaré : « Le ministère de l’intérieur nous délivrera probablement la certification de notre machine après les présidentielles. Il préfère attendre que la tempête médiatique sur le sujet, se calme. » Ce drôle d’aveu révèle une étonnante proximité entre une entreprise privée en attente d’une certification de sa machine et le ministère de l’intérieur, chargé du bon déroulement des élections en France et donc de la certification de ces fameuses machines. Surtout, cette bourde indique la gestion de la crise par le ministère de l’intérieur, qui préfèrerait attendre que les élections soient passées pour certifier une nouvelle machine.

Dommage pour le fabricant qui, très confiant, avait déjà confié son nouveau modèle à l’un de ses plus gros clients, une municipalité de la région parisienne. La mairie en question devra donc attendre le prochain scrutin pour tester ces nouvelles machines.